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Writer's pictureRichard Berahino

Pourquoi l’Afrique est peu ou mal connue par les non-africains?

Lors de voyages en Asie, les gens me regardent souvent avec curiosité et me demandent s'ils peuvent toucher mes cheveux ou me demander tout simplement d'où je viens.


Je réponds toujours que je suis burundais. Mais ce n’est pas tout, je m'attends toujours à une question comme “Pardon, vous dites Bii ou Brunei? Je dois alors répéter au moins deux fois, et ça donne souvent le champ à une série de questions comme “c’est où? c'est dans quel État? Dans quel continent?”, etc. Quand je me présente en tant qu' africain, ces personnes-là s’imaginent immédiatement que je viens du Nigeria, de Jamaïque ou encore d’Afrique du Sud.


Beaucoup confondent l'Afrique en tant que continent et l’Afrique du Sud le pays. Ainsi, je suis souvent obligé de donner à chaque fois une petite leçon de géographie, en expliquant que l'Afrique est un grand continent fait de 54 pays séparés les uns des autres et avec plus de 3000 tribus, chacune ayant ses propres coutumes.


Des fois, mes interlocuteurs ne distinguent pas la différence entre un pays et un continent. Pour eux, l'Afrique est un seul pays. “Tu as la peau noire, donc tu es un africain”. Certainement que vous pourriez penser que ces gens-là ne sont pas instruits ou n’ont pas des notions de géographies. Bien plus que ça, ces réponses et répliques insolites émanent des personnes dites “cultivées et civilisées”. Néanmoins, certaines des informations dont elles disposent, ont été obtenues de façon informelle. Et c’est dommage que jamais ou presque, elles ne songerons à les vérifier.


Un jour, je me suis retrouvé à trancher dans une discussion entre amis sur la question de savoir si l’Egypte est un pays africain ou pas. Ou encore un aveu de celui-ci qui croit que l'Ethiopie se trouve quelque part entre l'Iran et la Syrie.


En pensant à la question du pourquoi l'Afrique est peu ou mal connue à travers le monde, j'ai réalisé que même les africains en savent moins sur leur propre identité.




L'identité africaine


Surement que vous avez déjà entendu les gens du Maghreb, le Nord du continent africain dirent qu’ils ne sont pas Africains. Ils s’ identifient plutôt comme étant “Méditerranéens ou Arabes”. Plus intéressant encore, d’autres africains sub-sahariens veulent renoncer à leurs nationalités, prétendant que les colonisateurs blancs ont découpé l'Afrique et y ont mis des frontières sans les consulter.


Je suis africain et fière de l'être. J’aspire aux idées panafricanistes avec une Afrique forte, indépendante, unie et solidaire peu importe l’ origine ethnique, l’ appartenance religieuse ou l’apparence physique. Bien évidemment, je suis aussi burundais, et ce n’est pas un détail moindre.


En se reconnaissant seulement Africain, ne risquons-nous pas de nous retrouver face à une crise d'identité? Nous ne nous trouvons pas dans une incapacité d’avoir une identité qui nous est propre?


Je suis tout à fait d’accord qu’on doit se sentir tous Africains avant ou après tout. Les pays Africains cohabitent ensemble depuis la nuit des temps et partagent une vaste étendue de la surface du globe terrestre. Certains ont même une histoire coloniale commune.


Je suis d’accord qu’en survolant le continent à travers son hublot on ne peut pas voir les frontières séparant les pays, les nationalités que nous avons résultent du partage de l’Afrique par les colons.


Mais il est vrai que jadis, les européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont envahi nos terres, les ont délimité et s’en sont partagé entre eux. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances et les coutumes. Ils ont exigé aux africains ce qu'ils devaient penser, ce qu'ils devaient croire, ce qu'ils devaient faire. Ils ont coupé nos ancêtres de leur passé, les ont arraché leur âme et leurs racines. Ils ont désenchanté l'Afrique.


En nous identifiant seulement qu'en tant qu’ africain serait condamner la richesse des différences qui existe entre Africains. Certains pays africains partagent la même histoire coloniale mais pas les histoires africaines car il n'y a pas qu’une seule histoire en Afrique, il y a bien eu des histoires avant la colonisation. Les histoires des royaumes, des empires et des peuples africains qui n’ont jamais été traités ni suivis.


Nous résumer à une seule histoire, un seul peuple serait nous enfoncer le clous dans ignorance des Histoires africaines. En coupant court à nos racines et à nos valeurs pour nous mettre tous dans un seul panier, pour ne pas dire un seul bateau et nous déporter une seconde fois dans un autre monde qui n’est pas le nôtre ni celui de nos ancêtres. Ça nous fragiliserait même en tant que peuple, et nous rendrait vulnérables aux stéréotypes et aux étiquettes.


Le mystère de l'Afrique.


L'Afrique est si complexe, si riche et si profonde que l’homme blanc n’a rien trouver de mieux que de convertir l’homme noir et de le façonner en son image, car ils aiment les gens qui les ressemblent, qui pensent comme eux. Le colonisateur n' a jamais eu l'intérêt de connaître l'Afrique et il a réduit en un seul peuple pour mieux le maîtriser.


Les Africains sont très différents les uns des autres. Un Munyankole de l'Ouganda est très différent d’un wolof du Sénégal. Un Masaï du Kenya ou de la Tanzanie est très différent d’un Khoisan de l’Afrique australe. Nous parlons différentes langues, nous avons différentes pratiques religieuses qui existent bien même avant l'arrivée des blancs. Ainsi, bien que nous n'ayons pas la même culture, encore moins la même coutume, nous partageons les mêmes valeurs traditionnelles et nous sommes tous Africains.


Nos origines et nos différences sont nos richesses. Ne nous coupons pas de ce qui vous enrichit, ne nous amputons pas d'une part de nous-même. L’identité s’élabore dans une relation qui oppose un groupe aux autres. c’est une image sociale dans la mesure où elle est une construction sociale et demeure multidimensionnelle. Aucun individu, un groupe ou un peuple ne peut être enfermé dans une identité unidimensionnelle. Être seulement Africain est un enfermement. c’est l'étiquetage. C'est un fantasme qui ne peut conduire qu’ au fanatisme.


Notre identité dépend du contexte historique, culturel et social dans lequel nous nous trouvons. Il s'avère au fond que nous n’avons pas tous la même histoire, ni la même culture et loin les mêmes valeurs sociales. Par exemple, l’histoire d’un rwandais n’est pas celle d’un algérien. Il en est de même de la culture.


Quand on parle de la culture africaine, il ne s'agit pas de la même culture de Tunis au Cap, et de Dakar à Mogadiscio. Ça va de même de la cuisine africaine, de l'art africaine, la tradition africaine. Et quand Eddy Murphy, Steve Harvey font l’accent africain, savent-ils que l’accent anglais d’un Rwandais est différent à celui d'un Nigérian? Néanmoins, nous nous reconnaissons tous Africains, et nous avons tous entre nous des liens forts que nul ne peut défaire.


Il est toutefois possible d’avoir une identité pour soi et une pour les autres. Et n'oublions pas que l’identité est en perpétuelle construction, et aussi qu’elle demeure un produit de l’histoire. Chaque génération doit reconstruire une identité basée sur l’identité sociale héritée et sur les acquis de la socialisation primaire et secondaire.


Je suis africain mais je suis aussi Burundais.



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